Petite épine ?

Il y a des jours où l'on attend une lettre, qui ne viendra jamais. Il y a des jours où l'on ne reçoit un colis que le sursurlendemain, nouvelle offre du service public... prière de ne pas se plaindre. Des jours où en Suisse l'on se préoccupe des petits détails de la vie, de ces petites épines qui retardent la bonne marche, roulante, entraînante, confiante, jouissante.

Venons-en. N'ayant pas reçu mon colis à temps, j'aménage ma matinée autrement. D'autres priorités devaient m'occuper. Comme souvent, je mets de côté en me disant qu'il y a toujours une cause plus grande que moi, plus importante. C'est donc tout naturellement (ou est-ce une fuite ?) que je décide d'en savoir un peu plus sur les questions et objets débattus dans mon pays. Comme le bonheur me poursuit toujours dans cette entreprise-là, je trouve enfin la solution qui manquait (petite épine, merci Flash Player) pour visionner les débats en direct sur la Toile. Tout coule.

C'est donc la première fois que je suis des débats en direct en Suisse. Je ne m'attends pas à un énorme fossé avec ce que j'ai pu voir en France par le passé en suivant assez régulièrement les débats au gouvernement sous Chirac et Sarkozy. Cependant, je perçois assez rapidement les similitudes et différences. Je saurai bien plus tard à quoi cela est dû. Mais vient en premier, en Suisse, la sobriété est de mise. L'hémicycle est plus petit (pas très bien sonorisé), chacun prend la parole et ne dérape pas. Il n'y a pas d'envolées lyriques. Les sujets débattus sont parfois techniques et le langage pas très recherché. On comprend au hasard le fond, quand le Conseiller Fédéral répond, mais en substance difficile d'y voir clair sans certainement avoir lu auparavant la motion ou postulat en entier, ce qui prend du temps... Ce jour-ci, c'était donc au tour d'Alain Berset de prendre la parole afin de répondre à toutes les questions sur la santé. Là aussi, une différence avec la France où tous les Ministres sont là (en principe) et répondent à des questions de tous ordres. Je sens comme quelque chose de bien réglé, chacun sait à quel moment il va parler, qui dira quoi. Peut-être pas beaucoup de surprises. Est-ce parce que tous se préparent bien à l'avance et prennent tout cela au sérieux ? Tous ont l'air bien studieux et appliqués. J'ai suivi une partie de la matinée, mais il est clair que pratiquement ce ne serait pas possible de suivre tous les jours pendant 3 semaines toutes les interventions. Je décide donc de consulter les programmes afin de voir quel objet serait susceptible de m'intéresser et à quel moment il serait débattu. Mais je trouve un peu embêtant. Petite épine.

Il faudrait sans doute que je suive d'autres débats, mais ceux d'aujourd'hui ne m'ont pas tous accrochée. Il y avait objet sur le gaspillage alimentaire, le congé paternité mais j'ai compris que cela n'allait pas prendre car trop basé sur un échantillonnage. Est venu celui de l'importation des trophées de chasse, là tout de suite je me rappelle vaguement de la polémique sur le lion Cecil. Ayant à coeur la protection des espèces car ce sont des créatures, vivantes, je n'ai pas beaucoup de mal à recevoir le discours de la dame, qui défend les couleurs vertes. Berset lui répond qu'internationalement ce serait beaucoup plus efficace et qu'il y a déjà des restrictions très fortes dans une entité (je n'ai pas retenu le nom), qu'il serait davantage nécessaire d'enrayer le problème sur le terrain, et donc que cette motion ne résoudrait rien. J'ai trouvé qu'il se défendait bien, et c'est le seul qui ait retenu mon attention aujourd'hui. Cependant, bien que n'ayant pas parcouru la motion en entier, je me demande pourquoi la refuser. Et je fais un parallèle avec la drogue. La Suisse n'autorise pas sur son territoire la drogue, elle fait tout pour la combattre et ne pas l'importer, la police fait son travail. On sait très bien que ça n'arrangera pas la situation des Cubains ou des Marocains, mais est-ce la question ? Est-ce que l'on doit attendre qu'internationalement on agisse pour que la Suisse s'y plie ? Pourquoi la Suisse ne prendrait pas les devants et montrerait la voie à suivre ? Comme elle le fait pour d'autres sujets, récemment, sur la Stratégie Energétique 2050 ? Alors partant de cela, je ne comprends pas ce refus, considérant que ce trafic de trophée de chasse est autant grave qu'un trafic de drogue, en soi. Les conséquences sur les personnes sont différentes bien sûr, il n'y a peut-être pas d'impact sur l'humain. Mais sur les animaux oui, et ce sont des créatures. Il n'y a peut-être pas d'impact humain chez nous, mais sur le terrain dans ces pays, qu'en sait-on ? De plus, je suis pour enrayer autant l'offre que la demande. Comme pour la drogue. On pourra en venir à bout aussi si dans notre société il n'y avait pas autant de demande ! C'est donc un discours un peu hypocrite.

Cette motion aurait eu certainement aucun impact sur notre économie suisse, mais est-ce pour cela qu'il faille s'en désintéresser ? Peut-être n'était-elle qu'une petite épine pour certains, mais une épine en général n'a pas un refus en retour, mais plutôt une réponse plus appropriée si elle ne convenait pas, ou une acceptation.

Passé cela, je m'occupe à mes affaires courantes, avant d'engloutir mon repas j'y reviendrai me dis-je, pour suivre le moment où tout le monde va voter, les objets les uns après les autres, vers midi. Juste avant, je retombe sur Berset. De quoi parle-t-il ? Du sida. Des chiffres. En 1991, 2000 personnes mouraient chaque année en Suisse de cette terrible maladie. En 2017, 500 par année nous informe-t-il. Me voilà un peu placardée au mur. Oui, dans notre pays, il n'y a pas que des petites épines, il y a les problème de société qui demeurent... (drogue, suicide, maladies, trafic...) Et face à cela, il y a encore énormément de choses à entreprendre chez nous, même si souvent notre pays est cité en exemple et que les gens vivraient plus heureux qu'ailleurs. Sur cela, je me retournais à mes préoccupations, en me disant qu'un jour je recevrai une lettre, car j'en aurai encore la probabilité, toute vivante que je suis...